17
TROIS ans s’étaient écoulés depuis son dernier séjour sur la lune. Il y revenait maintenant dans des circonstances qu’il n’aurait jamais imaginées. La harpie et ses aigles se tenaient à l’extérieur de la pièce dans laquelle il se trouvait et il était pris au piège. Mais s’il ne pouvait sortir, Podarge et ses familiers ne pouvaient attaquer sans prendre le risque de subir de graves pertes, et peut-être même une destruction totale.
Cependant, ils avaient un avantage sur lui : ils pouvaient se procurer de la nourriture et de l’eau. S’ils avaient la patience d’attendre jusqu’à ce qu’il soit vaincu par la faim et la soif, ou qu’il ne puisse plus résister au sommeil, ils auraient sans coup férir. Il n’y avait aucune raison pour qu’ils ne prennent pas le temps nécessaire. Rien ne les pressait, du moins pour l’instant, car il paraissait vraisemblable que les Cloches Noires surgiraient à un certain moment, après avoir emprunté d’autres « portes ». Et cette fois ils arriveraient en force.
Si Podarge s’imaginait qu’il allait demeurer là à attendre jusqu’à ce qu’il meure d’inanition, elle se trompait. Il allait puiser dans sa réserve de ruses et, si cela ne marchait pas, il sortirait pour se battre. Il avait une toute petite chance de les vaincre ou d’arriver grâce à eux jusqu’aux souterrains.
C’était toutefois peu probable : les becs et les serres étaient rapides et terribles. Mais il n’allait quand même pas permettre qu’on se moquât de lui.
Il décida de leur rendre les choses encore plus difficiles. Il fit rouler la porte circulaire devant l’entrée, ne laissant subsister qu’une étroite ouverture. Par la fente, il cria à Podarge :
« Tu t’imagines peut-être que je suis à ta merci ! Mais même si c’est le cas, que va-t-il se passer ? Comptes-tu finir ta vie dans cet endroit désert ? Il n’y a ici aucune montagne digne de ce nom où pourraient s’installer tes aigles. C’est un endroit d’une platitude déprimante ! Il ne leur sera pas non plus facile de se procurer de la nourriture. Tous les animaux qui vivent ici sont de farouches combattants, d’une taille monstrueuse ! Quant à toi, Podarge, tu ne pourras plus régner sur tes centaines de milliers de sujets. Si tes aigles femelles pondent des œufs pour que leur nombre s’accroisse, ils seront dévorés par les petits animaux qui pullulent ici. Sans parler des grands singes blancs, qui raffolent des œufs ! Et de la viande, y compris celle des aigles ! Et puisque je parle des grands singes blancs… Tu n’en as encore jamais rencontré, n’est-ce pas ? »
Il s’interrompit un moment pour bien choisir ses mots, puis il poursuivit :
« Tu es bloquée jusqu’à ta mort, à moins que tu n’acceptes de conclure une trêve avec moi. Je puis t’aider à retourner sur la planète. Je sais où se trouvent les « portes ».
Il y eut un silence, puis le bruit d’une conversation engagée à voix basse entre la harpie et ses aigles. Finalement, Podarge répondit :
« Tes paroles sont tentantes, Rusé ! Mais tu ne réussiras pas à m’abuser. Tout ce que nous avons à faire, c’est d’attendre que tu te sois endormi ou que tu ne puisses plus résister à la faim et à la soif. Alors nous te prendrons vivant et nous te torturerons jusqu’à ce que tu nous apprennes ce que nous avons besoin de savoir. Ensuite, nous te tuerons. Que dis-tu de cela ?
— Pas grand-chose », murmura Kickaha. Puis il hurla : « Je te tuerai le premier. Que penses-tu toi-même de cela, Podarge, reine grotesque de sujets à la grosse tête mais à la cervelle de moineau ? »
Son hurlement et le battement de ses ailes montrèrent qu’elle faisait aussi peu de cas de ses paroles que lui des siennes. Il cria : « Je sais où se trouvent les « portes » mais toi, tu ne les découvriras jamais sans mon aide. Fais fonctionner ce qui te sert de méninges et décide-toi, Podarge. Je te donne une demi-heure. Ensuite, j’agirai. » Il poussa la porte et la ferma complètement, puis il s’assit contre elle, s’appuyant au dos contre le bois brun-roux, dur et luisant. S’ils tentaient de l’ouvrir, il aurait le temps de se relever et de se tenir prêt.
Il était bon de se reposer un moment. La longue et dure bataille de Talanac, puis le choc de se retrouver sur la lune et la poursuite qui avait suivi l’avaient épuisé. Et il mourait de soif.
Il dut légèrement s’assoupir. Il émergea soudain d’un lac d’eaux sombres et huileuses. Sa bouche était sèche et pleine de poussière, et il lui semblait qu’on avait fait entrer de force des œufs durs dans ses orbites. La porte n’ayant pas bougé, il ignorait ce qui l’avait réveillé. Peut-être son sens de la vigilance agissant subconsciemment.
Il laissa sa tête retomber contre la porte. Des cris et des rugissements lui parvenaient faiblement à travers le panneau et il sut alors ce qui l’avait tiré du sommeil. Il sauta sur ses pieds et fit rouler la porte, la repoussant dans la cavité du mur. L’épaisse barrière ainsi ôtée, il put entendre dans toute leur ampleur les bruits de la bataille qui se déroulait dans le corridor.
Podarge et les trois aigles affrontaient trois énormes félins à la robe fauve et à cinq paires de pattes. Deux d’entre eux étaient des mâles à crinière, et le troisième une femelle à la nuque lisse. C’étaient des banths, les lions martiens imaginés par Burroughs et créés par Wolff dans ses laboratoires de biologie. Ils se nourrissaient de la chair des petits thoats et des zitidars, les grands singes blancs, et de tout ce qui leur tombait sous la griffe. Normalement, ils chassaient de nuit mais la faim devait les avoir poussés à errer dans la ville abandonnée pendant le jour. À moins qu’ils n’eussent été stimulés par le bruit et attirés par l’odeur du sang.
Quelles qu’eussent été leurs raisons, ceux qui acculaient Kickaha se trouvaient acculés à leur tour. Les banths avaient tué un aigle, probablement à l’occasion de la surprise provoquée par la première attaque. Les aigles verts étaient de terribles combattants, capables de venir à bout d’un ou deux tigres sans perdre une seule plume. Or, les banths en avaient tué un, infligé aux autres assez de blessures pour les couvrir de sang. Toutefois, les félins, n’étaient pas sortis indemnes du combat et ils étaient couverts d’entailles et d’estafilades.
Pour l’instant, se tenant un peu à l’écart des proies qu’ils convoitaient, ils marchaient de long en large dans le corridor en rugissant. Par moments, l’un d’eux bondissait sur un aigle. Ce n’était qu’une feinte et le fauve s’immobilisait à quelques mètres des becs menaçants, aussi meurtriers que des haches d’armes. À d’autres moments, il lançait vers un des aigles survivants une énorme patte armée de griffes semblables à des lames de faux. Il y avait alors un déchaînement de canines longues comme des sabres et de becs et de serres jaunes et des morceaux de peau fauve volaient en l’air au milieu de plumes vertes tourbillonnantes.
Des pupilles dilatées étincelaient, vertes, jaunes ou rouges, et le sang jaillissait au milieu de cris et de rugissements. Puis le lion se dégageait de la mêlée et rejoignait ses congénères en bondissant.
Podarge demeurait à l’abri des deux tours vertes jumelles formées par ses aigles. Kickaha, quant à lui, observait et attendait. Soudain, les trois lions attaquèrent simultanément. Un mâle et un aigle roulèrent sur le sol et allèrent heurter la porte avec violence. Kickaha sauta en arrière, puis il fit trois pas en avant et frappa avec son épée dans la mêlée confuse. Il se souciait peu de savoir ce qu’il frappait, espérant toutefois que ce serait l’aigle que ses coups atteindraient. Les oiseaux géants étaient plus intelligents et plus capables de concentrer leurs efforts sur un but à atteindre – le but étant lui-même en l’occurrence.
Mais, en roulant, les deux créatures s’éloignèrent de lui et seule la pointe de son épée en atteignit une. Ils faisaient un tel vacarme et étaient si sauvagement emmêlés qu’il n’aurait pu dire celui qui avait été blessé.
Pendant un bref instant, la partie centrale du corridor se trouva complètement dégagée. Les deux aigles se tenaient d’un côté, occupés à combattre les lions. Podarge était acculée au mur opposé, tenant en respect avec ses serres la femelle enragée. La femelle saignait des yeux et du mufle, lequel était à moitié arraché. Aveuglée par le sang, elle hésitait à s’élancer sur la harpie.
Kickaha bondit dans le corridor et sauta sur deux corps qui roulaient, et qui n’allaient pas tarder à obstruer le passage. Son pied prit appui sur un dos fauve et musclé et il se lança en avant. Il avait malheureusement déployé un tel effort pour bondir qu’il se cogna la tête contre le plafond, se déchirant la tempe contre un gros diamant serti dans le marbre.
À demi assommé, il tituba. À ce moment-là, il était vulnérable. Si un lion ou un aigle l’avait attaqué, il l’aurait tué comme un loup tue un lapin malade. Mais ils étaient trop occupés à s’entre-tuer et il sortit sans difficulté du bâtiment. Quelques minutes plus tard, il se trouvait loin de la ville abandonnée, faisant de grands bonds en direction des collines.
Il dépassa en bondissant le corps déchiqueté d’un aigle, celui qui avait été le plus touché au cours de la collision. Le corps éventré d’un banth gisait à proximité. Le lion avait dû attaquer l’aigle en pensant qu’il serait facile de le tuer. Mail il ne connaissait pas la force et la vitalité des grands aigles verts et il avait payé son erreur de sa vie.
Plus loin, il sauta au-dessus du corps de Quotshaml, ou du moins de ce qui en restait. Les restes de celui qui avait été l’empereur des Tishquetmoacs étaient éparpillés sur plusieurs mètres carrés.
Toujours bondissant, il escalada le flanc de la colline qui était si haute qu’on aurait presque pu la qualifier de montagne. Aux deux tiers de sa hauteur, dissimulée derrière – un affleurement de granit mêlé de quartz, se trouvait l’entrée de la caverne. Il n’y avait aucune raison pour qu’il ne réussît pas à l’atteindre. Quelques minutes auparavant, il semblait que toute chance l’eût abandonné, mais la situation avait soudainement évolué en sa faveur.
Mais un cri lui fit comprendre que ce n’était peut-être qu’en apparence. Il regarda par-dessus son épaule. À cinq cents mètres de là, Podarge et les deux aigles survivants volaient rapidement vers lui. Les banths n’étaient pas en vue. Ils n’avaient visiblement pas réussi à bloquer leurs proies dans le corridor de l’habitation. Peut-être les grands félins les avaient-ils volontairement laissées s’échapper, afin de demeurer en vie et de pouvoir festoyer avec les restes de l’unique aigle qu’ils avaient tué.
Quoi qu’il en soit, il risquait à nouveau de se faire prendre dans ces espaces découverts. Ses poursuivants avaient appris à voler avec efficacité malgré la pesanteur réduite. Il en résultait que leur allure était d’un tiers plus rapide que celle qu’ils auraient eue sur la planète. C’était du moins ce qu’il semblait à Kickaha. À vrai dire, la fatigue consécutive au dur combat et le sang qu’ils avaient perdu les contraignaient à voler à une vitesse réduite.
Lorsqu’il regarda une deuxième fois, il lui sembla que Podarge et un aigle étaient blessés. Ils avaient considérablement réduit leur vitesse depuis qu’il les avait aperçus pour la première fois, et ils se tenaient loin derrière l’autre aigle. Ce dernier semblait indemne, bien que ses plumes vertes soient maculées de sang. Il rattrapa Kickaha et se laissa tomber sur lui comme un faucon sur un écureuil.
L’écureuil, toutefois, était armé d’une épée et avait décidé à l’avance de la ligne de conduite à adopter. S’arrangeant afin que l’attaque de l’oiseau coïncide avec son bond, il se propulsa en l’air. Il retomba en tournant le dos à l’aigle vert, dont les serres ouvertes se trouvèrent à portée de son épée. L’aigle poussa un cri et étendit les ailes afin de freiner sa descente, mais trop tard. Kickaha se tendit. La lame transperça une des pattes de l’oiseau géant, à la jointure des serres, transperçant du même coup l’autre patte. La force du coup projeta Kickaha en avant et il roula sur le sol. Il demeura sur le flanc, épuisé, expirant l’air comme un soufflet de forge.
Il se releva presque aussitôt en haletant et alla récupérer son épée. L’aigle était allongé sur le sol comme un poulet blessé et il ne vit même pas approcher Kickaha qui l’acheva en lui transperçant le cou. La tête de l’oiseau retomba et son œil noir cerclé d’écarlate fixa l’humain d’un regard dénué d’expression.
Kickaha respirait toujours avec difficulté lorsqu’il franchit d’un bond l’entrée de la caverne, alors que Podarge et le dernier survivant de ses aigles ne se trouvaient plus qu’à dix mètres de lui. Il se précipita vers le mur du fond de la caverne, situé à douze mètres de l’entrée.
Son intrusion interrompit une scène domestique dont les protagonistes étaient deux grands singes blancs. Papa, haut de trois mètres cinquante, avait deux jambes courtes et quatre bras. Tout son corps blanc était imberbe, à l’exception d’une énorme touffe de poils blancs raides qui ornait le sommet de son crâne en pain de sucre. Il avait un faciès de gorille et des yeux roses. Accroupi contre le mur de droite, il dévorait la patte d’un jeune thoat, déchiquetant la chair avec ses canines protubérantes et ses incisives acérées. Maman qui se tenait un peu plus loin, rongeait la tête du thoat, tout en allaitant ses jumeaux.
Wolff et Kickaha avaient commis une erreur en créant les grands singes blancs. Ils avaient oublié que les seuls mammifères vivant sur la planète Mars de Burroughs étaient l’homme et un animal de petite taille. Lorsqu’ils se rendirent compte de cette erreur, il était trop tard pour la corriger : plusieurs milliers de singes avaient été transportés sur la lune. Il n’était pas question de les détruire, non plus que de créer une espèce qui ne fût pas mammifère.
Les gigantesques créatures simiesques furent aussi surprises que Kickaha, mais il avait sur elles l’avantage d’être en mouvement. Il fut cependant retardé car il lui fallait, pour pourvoir accéder à la pièce taillée dans le roc au fond de la caverne, extraire de son socle de pierre un gros caillou qui servait de clé et l’ajuster dans une dépression du mur du fond. Un pan de muraille pivota, démasquant une pierre carrée de six mètres de côté.
Sept croissants étaient enchâssés dans le sol de granit contre le mur du fond. À droite, au niveau de ses yeux, sept autres croissants métalliques étaient suspendus à des chevilles plantées dans le mur. Chacun de ces croissants était destiné à être apparié avec un de ceux qui étaient scellés dans le sol et, pour ce faire, il suffisait de trouver les croissants gravés dans les mêmes hiéroglyphes.
Lorsque deux croissants étaient placés l’un en face de l’autre pour former un cercle, ils devenaient une « porte » menant à un endroit prédéterminé de la planète. Deux des « portes » étaient des pièges. L’étourdi qui les aurait utilisées se serait retrouvé dans la prison souterraine du palais de Wolff, d’où il lui aurait été impossible de s’échapper.
Kickaha, étudia hâtivement les hiéroglyphes. Cette hâte ne lui plaisait guère mais le temps passait. La lumière du jour pénétrait très affaiblie dans la pièce et il pouvait à peine déchiffrer les signes gravés. Il se rendait compte, un peu tard, qu’il aurait dû installer un système d’éclairage lorsqu’il avait installé la pièce. De toute façon il était trop tard, même pour les regrets, et il n’avait que le temps d’agir immédiatement sans réfléchir.
La caverne était devenue aussi bruyante qu’une batterie de jazz. Les deux singes géants s’étaient dressés sur leurs huit jambes arquées. Ils rugissaient en regardant dans sa direction, tout en tambourinant sur leur torse et sur leur ventre avec leurs quatre poings fermés. Avant qu’ils n’aient pu foncer sur lui, ils furent presque renversés par Podarge et son aigle vert qui firent ensemble irruption dans la caverne, avec l’impétuosité de la décharge d’un fusil à deux coups. Ils avaient nourri l’espoir de s’emparer d’un Kickaha acculé et sans défense, bien que leur expérience eût dû leur enseigner la prudence. Ils avaient commis la faute impardonnable d’échanger trois banths blessés, ayant perdu une grande partie de leur combativité, contre deux signes blancs monstrueux, frais et dispos, et enragés.
Kickaha aurait aimé contempler la bataille et encourager les singes, mais il ne voulait pas laisser passer sa chance, qui lui avait fait comprendre qu’elle était prête à l’abandonner. Il jeta donc sur le sol les deux croissants-pièges et décrocha les cinq autres. Il en mit quatre sous son bras avec l’intention de les emporter avec lui. Si la harpie venait à bout des singes et essayait d’utiliser l’un des croissants restants, elle finirait dans la prison du palais.
Bien qu’il fût averti du danger, Kickaha ne put s’empêcher de s’attarder pour contempler le spectacle et cela le perdit. Podarge réussit soudain à se dégager de l’étreinte des singes – en fait, elle fut littéralement projetée en l’air et traversa la caverne comme un ballon de basket-ball. Elle arriva dans la pièce du fond à une telle vitesse que Kickaha dut lâcher précipitamment les croissants pour brandir son épée et se défendre. Podarge le frappa tout d’abord de ses serres et le rabattit contre le mur avec une violence telle qu’il en eut les reins et le foie endoloris. Elle était trop près de lui pour qu’il pût se servir de son arme ; d’ailleurs, le souffle coupé, il n’eût pas eu la force de la lui plonger dans le corps. Ils roulèrent sur le sol, les serres de Podarge agrippées aux cuisses de Kickaha. Elle frappait à la tête, au visage, au cou et aux épaules avec l’extrémité de ses ailes et la douleur qu’il ressentait était intolérable.
Malgré la douleur et les coups d’ailes incessants, il réussit à la frapper du poing au menton puis à la toucher avec son épée.
Le sang coulait du nez de la harpie, et ses yeux brillaient de fureur. Elle tomba en arrière, les ailes déployées, comme à elle tendait les bras. Ses serres acérées demeuraient cependant enfoncées dans les cuisses de Kickaha. Il fallut qu’il les dégage doigt après doigt. Le sang ruisselait le long de ses jambes, formant une mare à ses pieds.
Au moment où il arrachait la dernière serre, il vit le singe mâle qui chargeait dans sa direction, ses quatre mains tendues en avant. Kickaha prit fébrilement son épée à deux mains et en frappa un des antérieurs du monstre, le choc se répercuta dans sa main et dans son bras et il faillit desserrer son étreinte. La main tranchée tomba sur le sol, et du moignon jaillit un jet de sang qui l’aveugla momentanément. Il l’essuya assez vite pour voir le singe blanc s’enfuir en hurlant et en boitillant sur cinq membres. Tête baissée, il télescopa le dernier aigle qui venait d’éventrer la femelle avec son bec et ses serres. Ils tombèrent sur le sol agrippés l’un à l’autre et roulèrent sur eux-mêmes plusieurs fois.
À ce moment, Podarge reprit ses esprits. Elle se releva en criant et en battant frénétiquement des ailes.
Kickaha ramassa l’un des croissants qu’il avait laissé tomber, vit que le hiéroglyphe qu’il portait était le même que celui qui était gravé sur le croissant qui se trouvait à ses pieds et apparia les deux. Il pivota ensuite sur les talons et se fendit en direction de Podarge, qui dansait autour de lui en essayant de retrouver assez d’énergie pour l’attaquer. Elle esquiva en reculant et il se plaça à l’intérieur du cercle formé par les deux croissants. « Adieu, Podarge ! » cria-t-il. « Puisses-tu pourrir ici ! »